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Quelques mots d'introduction

Vous découvrirez sur cette page la mise en voix de quelques poèmes. 

Les élèves ont eux-mêmes opéré les choix d'intonation et de rythme, et ont sélectionné eux-mêmes un accompagnement instrumental qu'ils ont jugé opportun. Le montage sonore est donc réalisé par les élèves. 

J'y ai adjoint un montage vidéo tenant compte de leur interprétation et du sens du poème. L'ensemble constitue un florilège intitulé "Saisons" présenté à l'Institut français de Sofia le 26 mars 2019. 

Stéphane Jean

Liste des poèmes

Ondine

Melancholia

Oui mais ainsi qu'on voit en la guerre civile

Le vieux musicien

L'Albatros

Le Grand Combat

Bannières de mai

Il pleure dans mon cœur

Roses

La mort des amants

Il faut que le poète

Ciel brouillé

Ondine

Titre du recueil : Gaspards de la Nuit

Auteur : Aloysius Bertrand

Lectrice : Manon Thiry

Ondine

- " Ecoute ! - Ecoute ! - C'est moi, c'est Ondine qui  frôle de ces gouttes d'eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.

 

" Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant,  chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le  triangle du feu, de la terre et de l'air.

 

" Ecoute ! - Ecoute ! - Mon père bat l'eau coassante d'une branche d'aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d'écume les fraîches îles d'herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne ! "

*

Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt pour être l'époux d'une Ondine, et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs.

 

Et comme je lui répondais que j'aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s'évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.

Melancholia

Titre du recueil : Les Contemplations

Auteur : Victor Hugo

Lecteur : Joshua Thomas

Melancholia

Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : « Petits comme nous sommes,
Notre Père, voyez ce que nous font les hommes ! »
[...]
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !
Progrès dont on demande : « Où va-t-il ? Que veut-il ? »
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !
Ô Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !

Oui mais ainsi qu'on voit en la guerre civile

Titre du recueil : Hécatombe à Diane

Auteur : Théodore Agrippa d'Aubigné

Lectrice : Rada Djoneva

Oui mais ainsi qu'on voit...

Oui, mais ainsi qu’on voit en la guerre civile

Les débats des plus grands, du faible et du vainqueur

De leur douteux combat laisser tout le malheur

Au corps mort du pays, aux cendres d’une ville,

 

Je suis le champ sanglant où la fureur hostile

Vomit le meurtre rouge, et la scythique horreur

Qui saccage le sang, richesse de mon cœur,

Et en se débattant font leur terre stérile.

 

Amour, fortune, hélas ! apaisez tant de traits,

Et touchez dans la main d’une amiable paix :

Je suis celui pour qui vous faites tant la guerre.

 

Assiste, amour, toujours à mon cruel tourment !

Fortune, apaise-toi d’un heureux changement,

Ou vous n’aurez bientôt ni dispute, ni terre.

Le vieux musicien

Auteur : Hristo Smirnenski

Lectrice : Sophia Pantazi

Le vieux Musicien

СТАРИЯ МУЗИКАНТ

 

Все там до моста приведен седи,

тегли полекичка лъка,

а над главата му ревностно бди

черната старческа мъка.

 

Бурно край него живота кипи

в грижи и горести вечни

и пъстроцветните шумни тълпи

все тъй са зли и далечни.

 

Привечер. Спуска се траурен здрач,

ситен снежец завалява,

спира цигулката горестен плач -

стареца немощно става.

 

И прегърбен той пристъпя едва,

спира се тук-там и стене,

шепнат му злъчни, невнятни слова

зимните вихри студени.

 

Там - от скованата в мраз висина -

мигом през тънкия облак

хвърля му поглед печална луна,

фосфорно бледа и обла.

 

А зад гърба му пристъпя Смъртта,

кървава и многоръка,

и по цигулката старческа тя

тегли полекичка лъка.

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L'Albatros

Auteur : Charles Baudelaire

Lecteur : Henri Poupy

L'Albatros

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Ma contribution

15 décembre 2018

A mon tour, j'ai souhaité apporter ma contribution au concert des voix qui rendront hommage aux poètes au printemps 2019. Le poème d'Henri Michaux se prêtait bien à une mise en voix avec sa tonalité épique. L'idée d'y joindre des percussions et d'y associer des masques africains disant la violence et le mystère me séduisait. 

Stéphane Jean

Le Grand Combat

Auteur : Henri Michaux

Lecteur : Stéphane Jean

Le Grand Combat

Il l’emparouille et l’endosque contre terre ;

Il le rague et le roupète jusqu’à son drâle ;

Il le pratèle et le libucque et lui barufle les ouillais ;

Il le tocarde et le marmine,

Le manage rape à ri et ripe à ra.

Enfin il l’écorcobalisse.

 

L’autre hésite, s’espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.

C’en sera bientôt fini de lui ;

Il se reprise et s’emmargine... mais en vain

Le cerceau tombe qui a tant roulé.

Abrah ! Abrah ! Abrah !

Le pied a failli !

Le bras a cassé !

Le sang a coulé !

Fouille, fouille, fouille,

Dans la marmite de son ventre est un grand secret

Mégères alentour qui pleurez dans vos mouchoirs ;

On s’étonne, on s’étonne, on s’étonne

Et on vous regarde

On cherche aussi, nous autres, le Grand Secret.

Bannières de mai

Auteur : Arthur Rimbaud

Lectrice : Maïwenn Lefebvre

Bannières de mai

Aux branches claires des tilleuls
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent parmi les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s’enchevêtrer les vignes.
Le ciel est joli comme un ange.
L’azur et l’onde communient.
Je sors. Si un rayon me blesse
Je succomberai sur la mousse.

Qu’on patiente et qu’on s’ennuie
C’est trop simple. Fi de mes peines.
je veux que l’été dramatique
Me lie à son char de fortunes
Que par toi beaucoup, ô Nature,
– Ah moins seul et moins nul ! – je meure.
Au lieu que les Bergers, c’est drôle,
Meurent à peu près par le monde.

Je veux bien que les saisons m’usent.
A toi, Nature, je me rends ;
Et ma faim et toute ma soif.
Et, s’il te plaît, nourris, abreuve.
Rien de rien ne m’illusionne ;
C’est rire aux parents, qu’au soleil,
Mais moi je ne veux rire à rien ;
Et libre soit cette infortune.

Il pleure dans mon coeur

Auteur : Paul Verlaine

Lectrice : Maria Feghali

Il pleure dans mon coeur

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits ! 
Pour un cœur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s'écœure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !

Рози/ Roses

Auteur : Димчо Дебелянов/ Dimtcho Debelianov

Lectrice : Mina Jekova

Злокобни сенки в пътища неради,

отминати, далеч остават те —

и ден из ден, с по-светли изненади

на щастието приливът расте.

 

Кристалното небе на любовта ни,

знам, няма бурята да помрачи

и кът един дори не ще остане

в сърце ми, непрепълнен със лъчи.

 

В градини пролет радостна полъхна —

слана и преспи ли ще ги смутят ? —

Възкръсна моя ден, нощта издъхна

и розите цъфтят, цъфтят, цъфтят. 

Рози

La mort des amants

Auteur : Charles Baudelaire

Lectrice : Anastasia Totcheva

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ;

Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.

La mort des amants

Il faut que le poète

Auteur : Victor Hugo

Lectrice : Ventsislava Nekova

Il faut que le poète, épris d'ombre et d'azur,
Esprit doux et splendide, au rayonnement pur,
Qui marche devant tous, éclairant ceux qui doutent,
Chanteur mystérieux qu'en tressaillant écoutent
Les femmes, les songeurs, les sages, les amants,
Devienne formidable à de certains moments.
Parfois, lorsqu'on se met à rêver sur son livre,
Où tout berce, éblouit, calme, caresse, enivre,
Où l'âme à chaque pas trouve à faire son miel,
Où les coins les plus noirs ont des lueurs du ciel,
Au milieu de cette humble et haute poésie,
Dans cette paix sacrée où croit la fleur choisie,
Où l'on entend couler les sources et les pleurs,
Où les strophes, oiseaux peints de mille couleurs,
Volent chantant l'amour, l'espérance et la joie,
Il faut que par instants on frissonne, et qu'on voie
Tout à coup, sombre, grave et terrible au passant,
Un vers fauve sortir de l'ombre en rugissant !
Il faut que le poète aux semences fécondes
Soit comme ces forêts vertes, fraîches, profondes,
Pleines de chants, amour du vent et du rayon,
Charmantes, où soudain l'on rencontre un lion.

Il faut que le poète

Ciel brouillé

Auteur : Charles Baudelaire

Lectrice : Constance Berchot

Ciel brouillé

Ciel brouillé

 

On dirait ton regard d'une vapeur couvert ;
Ton œil mystérieux (est-il bleu, gris ou vert ?)
Alternativement tendre, rêveur, cruel,
Réfléchit l'indolence et la pâleur du ciel.

Tu rappelles ces jours blancs, tièdes et voilés,
Qui font se fondre en pleurs les cœurs ensorcelés,
Quand, agités d'un mal inconnu qui les tord,
Les nerfs trop éveillés raillent l'esprit qui dort.

Tu ressembles parfois à ces beaux horizons
Qu'allument les soleils des brumeuses saisons...
Comme tu resplendis, paysage mouillé
Qu'enflamment les rayons tombant d'un ciel brouillé !

Ô femme dangereuse, ô séduisants climats !
Adorerai-je aussi ta neige et vos frimas,
Et saurai-je tirer de l'implacable hiver
Des plaisirs plus aigus que la glace et le fer ?

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