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Des choses...

Le rébus est une énigme qu'on résout en devinant les mots derrière les images et en les recomposant afin d'obtenir une signification. Ce dessin, intitulé "De rebus" (en latin "des choses") n'est pas une énigme pour ceux qui connaissent la poésie de Francis Ponge. On y reconnaît l'huître formée de trois parties : la coquille supérieure dont la face externe est rugueuse, la coquille inférieure qui révèle l'intériorité molle et au centre la formule de nacre. Ces trois parties correspondent aux trois paragraphes du poème "l'huître". Il faut encore y ajouter le galet en haut à droite et le couteau en bas à droite, sur lequel, à peine visible, est mentionné le nom du poète. 

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L'huître

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    L'huître, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C'est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l'ouvrir : il faut alors la tenir au creux d'un torchon, se servir d'un couteau ébréché et peu franc, s'y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles : c'est un travail grossier. Les coups qu'on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de halos.

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     A l'intérieur l'on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d'en dessus s'affaissent sur les cieux d'en dessous, pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l'odeur et à la vue, frangé d'une dentelle noirâtre sur les bords.

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    Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à s'orner.

Cortège psychopompe

Quatre personnages de premier plan. De droite à gauche, une créature mi-arbre, mi-homme, mi-cor avance sur ses racines ; une autre dont l'appendice nasal se prolonge en instrument de musique tire une charrette transportant un chien ; une sorte d'homme-crapaud ferme la marche. Tous les personnages forment un cortège se dirigeant vers la droite. A leurs pieds, quelques volatiles, des oies, un squelette de poulet.

Qu'est-ce à dire que tout cela ?

Le chien est en réalité une chienne. La composition s'organise autour d'elle. Elle se nomme Emma. Lors de l'exécution du dessin, elle donnait des signes inquiétants de santé dus à son grand âge. Le cortège psychopompe l'accompagne. L'homme-crapaud tient une hampe au bout de laquelle un sablier se balance. Le terme est presque échu. Il porte dans son dos la paire de ciseaux qui servira à couper la corde au bout de laquelle flotte le ballon qui symbolise l'âme d'Emma. Les autres personnages sont des projections fantaisistes de la perception d'Emma qui entend mieux qu'elle ne voit. L'un parle du nez, l'autre pousse des cris. Les oiseaux sont nombreux parce qu'ils sont psychopompes et qu'ils occupent une place importante dans la vie d'Emma

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L'écorché

La représentation d'un corps écorché est largement illustrée dans l'histoire des arts et se trouve au confluent de la curiosité scientifique pour l'anatomie et du défi d'ordre artistique. On pense au Bœuf écorché de Rembrandt ou à la Raie de Chardin. A chaque fois,  le spectacle de ces œuvres suscite des sentiments ambivalents comme la fascination qui mêle attirance morbide et répugnance. On admire la maîtrise technique mais le sujet provoque un malaise. Une esthétique de la laideur est à l'œuvre.

C'est dans cet esprit que j'ai réalisé ce dessin, en gardant en tête le souvenir de la carcasse bovine de Rembrandt. D'ailleurs,  lorsque je demande au spectateur de quelle anatomie animale je me suis inspiré, on me répond "la vache" à cause de ce qui rappelle les pis en bas du dessin. En vérité,  il n'en est rien. Les formes tortueuses qui constituent ce corps ouvert à la vue sont des parties organiques de mollusques divers, escargots,  limaces, coquillages, etc. Mon travail a juste consisté à les amalgamer pour créer un tout évoquant un corps supplicié,  lecture confortée par les chaînes écartelantes.

Le bœuf écorché, Rembrandt

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Sans titre

14 octobre 2020

Lorsqu’une foule de titres surgit successivement en tête, au fur et à mesure que le dessin progresse, je préfère conclure sans titre aucun car opter pour l’un d’entre eux réduira irrémédiablement l’interprétation de l’image, je préfère la laisser plurielle en m’abstenant de l’intituler. Ce dessin fait partie des premiers où j’expérimente l’introduction de la couleur. A ce moment-là, je cherchais la formule adéquate. Ici, le rouge chair et sang est obtenu par un mélange de peinture blanche acrylique et d’encre rouge vermillon.  

Détail
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Άγεωμέτρητος μηδείς είσίτω*

Pourquoi tant de volutes, d'arabesques et de spirales ? 

Naturellement, ma main se plaît à dessiner des courbes. Peu de droites rectilignes dans mes dessins. 

Le cercle est la forme parfaite. La coupole des églises symbolise le Ciel par opposition à la base carrée représentant la terre des Hommes. La voûte céleste, les planètes, les astres sont autant d'images de la perfection dans la Création divine. Cependant, je préfère la spirale, ce cercle en, mouvement qui suggère l'infini et qui, comme le labyrinthe, exprime la quête initiatique. Le sujet progresse ou régresse dans un mouvement concentrique, dans sa quête de vérité. Mes spirales ne sont jamais mathématiquement exactes. Je n'emploie pas le compas et suis inapte à entrer dans l'Académie de Platon. Mes volutes sont faites à main levée, donc incertaines, hésitantes, approximatives, parce qu'une quête alterne la détermination et le doute, la volonté ferme et la tentation du renoncement, le progrès et l'impasse. Elles sont aspiration humaine à la Vérité sans jamais l'atteindre. 

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(* Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre)

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L'imagination

04 mars 2020

La peinture de Jérôme Bosch a toujours été un objet de fascination pour moi ; elle réunit des qualités qui me parlent. A savoir le goût du détail dont l’accumulation devient foisonnement, fourmillement, et l’imagination débridée qui donne à voir des scènes fantasmagoriques et des personnages grotesques qui forment tout un peuple de créatures oniriques et composites nées de la combinaison des règnes végétal, animal et humain mais aussi d’objets d’usage quotidien et d’armes. Ainsi, ses toiles offrent une vision d’êtres chaotiques qui sont le fruit d’une recomposition de la matière par l’imagination. Le point de départ de « L’imagination » est la forme et la texture d’une plante singulière qui constitue un détail du volet droit du célèbre triptyque « Le jardin des délices » que j’ai pu scruter longuement au musée du Prado en février 2020.

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L'imagination
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